Le parcours tumultueux de Richard Nixon

Une jeunesse exemplaire

Deuxième d’une fratrie de cinq, Richard Nixon naît le 9 janvier 1913. Il se montre très rapidement doué pour les études et devient délégué de classe. Il réussit avec brio le collège, puis le lycée, et se passionne pour le football, mais aussi pour les débats. Alors qu’il dispose d’une bourse pour étudier à Harvard, son frère tombe malade et Richard doit s’occuper, avec ses parents, de l’épicerie familiale. Il se résout, par conséquent, à rejoindre l’université de Whittier, plus proche. En 1937, il sort troisième de sa promotion de l’université de droit de Duke.

Alors que Richard est avocat en Californie, il rencontre, à une répétition de théâtre, Thelma « Pat » Ryan qui l’éconduit plusieurs fois et qui, finalement, devient sa femme le 21 juin 1940. Après l’attaque de Pearl Harbor, Richard s’engage dans la marine et commence son service comme aspirant. Il participe à la campagne du Pacifique, mais il ne se trouve jamais sur le front. En 1946, il quitte l’armée avec le grade de lieutenant commander et deux médailles de service.

Une carrière politique fulgurante

À peine rentré de la guerre, il est démarché par le parti républicain de Californie et est élu en 1946 au Congrès des États-Unis. En 1949, il est pressenti pour devenir sénateur et, après une campagne offensive contre ses adversaires qu’il accuse d’être des communistes, Nixon est élu avec 20 points d’avance (il reçoit le surnom de « Richard la crapule »). Au Sénat, il a la réputation d’être un anticommuniste dur, mais il est favorable aux droits des minorités, ce qui est original pour son camp politique.

En 1952, le général Eisenhower est choisi par le parti républicain pour l’élection présidentielle. Après un long débat interne, Nixon devient colistier en raison de sa jeunesse (il n’a alors que 39 ans), de son anticommunisme, mais surtout pour sa base électorale de Californie, un super-État. En septembre, Nixon est accusé de disposer d’une caisse noire pour financer la campagne ; ce n’est pas illégal, mais cela entache la réputation d’Eisenhower qui lui demande de se retirer. Par un coup de poker incroyable, Nixon s’adresse à la nation à la télévision. Près de 60 millions d’Américains l’écoutent et, après ce discours, Richard devient très populaire : Eisenhower le rappelle… et est élu président en novembre 1952.

Grâce à sa culture et à son éloquence, Nixon est envoyé sur tous les fronts : Cuba, URSS, Indochine… Il devient un véritable interlocuteur pour le bloc de l’Est. Il se présente également à la présidence face à Kennedy en 1960 : bien que favori, il est finalement battu. En 1968, il se présente à nouveau avec pour objectif la paix au Vietnam : lorsqu’il est élu 37e président des États-Unis le 20 janvier 1969, 300 Américains meurent chaque jour au Vietnam. Le mandat de Nixon est marqué par une période de détente avec le bloc de l’Est : il rencontre Mao Zedong en 1972, puis Brejnev en 1973. Après de longs pourparlers, Nixon réussit à faire signer les accords de paix de Paris en janvier 1973. Ces accords marquent la fin de la guerre du Vietnam pour les États-Unis. Cette dernière se termine en 1975 pour les Vietnamiens et a causé la mort de 58 200 Américains.

Des choix audacieux et impopulaires : la fin de Bretton Woods et de l’étalon or

Pour bien comprendre le changement économique majeur sous la présidence de Nixon, il nous faut revenir en juillet 1944. Avec les accords de Bretton Woods signés par les grandes nations, les États-Unis se placent à la tête de l’économie mondiale. Seul le dollar serait défini par rapport à l’or et serait convertible en or. Les autres monnaies nationales devraient d’abord être changées en dollars, puis en or, sur la base d’un taux fixe décidé avec l’accord des partenaires. Le Fonds monétaire international (FMI) est créé et implanté à Washington.

À la fin des années 1960, avec la guerre du Vietnam, la course à l’espace et les Trente Glorieuses, les États-Unis se retrouvent avec une masse considérable de dollars en circulation ou thésaurisés en Europe. De nombreux pays, comme la France, commencent à changer leurs dollars en or. Voyant la demande de conversion du dollar en or exploser, et par crainte d’une impossibilité de change du dollar-or à cause de réserves insuffisantes en or, le gouvernement américain tranche. Le 15 août 1971, dans un discours retransmis à la télévision, le président Richard Nixon annonce la suspension de la convertibilité du dollar en or et une taxe de 10 % sur les biens importés aux États-Unis. Le président prône rapidement dans son discours le protectionnisme, et cette année marque une accélération de la planche à billets et de l’inflation : les Trente Glorieuses se terminent.

L’affaire du Watergate et la fin de mandat

Les années Nixon ont également marqué l’histoire du pays par le scandale du Watergate. Le 17 juin 1972, la police de Washington reçoit un appel signalant un cambriolage dans un immeuble du nom de Watergate. Cinq cambrioleurs sont alors arrêtés, et la police découvre avec étonnement que les malfrats étaient en train d’installer du matériel d’écoute au sixième étage du bâtiment, occupé alors par le quartier général du parti démocrate américain. Cet événement est très peu médiatisé et même étouffé.

Deux journalistes du Washington Post – Bob Woodward et Carl Bernstein – enquêtent sur l’affaire, et une source de haut niveau du nom de « Deep Throat » les informe sur l’ensemble du système. En novembre 1972, Nixon est réélu à la présidence. Une commission du Sénat est mise en place, car cette affaire devient trop importante : les deux journalistes reçoivent de nombreuses menaces. Lors de la commission, Nixon nie dans un premier temps, puis, devant la montagne de preuves accablantes, il est forcé de donner des enregistrements dont il disposait.

Lors de la conclusion de l’enquête, les masques tombent : le président en personne a commandité cette opération. Les financements viennent même du budget de la campagne électorale. Le chef des « cambrioleurs », un ancien de la CIA, disposait d’une ligne directe vers la Maison-Blanche. Une cellule d’espionnage est découverte au sein de la résidence présidentielle : sa mission était d’écouter les opposants politiques et de les ficher, une pratique digne de l’Union soviétique. Il s’avérera que la source, « Deep Throat », était le second directeur du FBI, Mark Felt. Une procédure de destitution est mise en place à l’encontre du président Nixon.

Après un long discours à la télévision le 9 août 1974, et bien que niant toujours les faits qui lui sont reprochés, Richard Nixon démissionne de la présidence des États-Unis et laisse la place à son vice-président, Gerald Ford. Le 8 septembre 1974, le président Ford lui accorde un « pardon complet, total et absolu ».

« L’homme n’est pas achevé quand il est battu, il est achevé quand il abandonne. » – Nixon

Bien que clivant, Richard Nixon reste, jusqu’à sa mort le 22 avril 1994, le « vétéran de la politique, au-dessus de la mêlée ». Après son mandat, il enchaîne les voyages, officiels ou non, à travers le monde et devient un excellent représentant des États-Unis. Il apporte également son soutien à ses amis républicains Ford et Reagan lors des présidentielles. Anecdote intéressante, le président Trump est souvent comparé à Nixon. En 2018, un sondage place le président Nixon à la 10e place des présidents les plus populaires du pays.