Normandie

Normandie

Atelier de gravure : Monnaie de Paris

Témoin d’une époque, le Normandie est considéré comme le paquebot le plus beau jamais construit par la Compagnie générale transatlantique. Aucun palace à terre n’égalait le luxe et le confort de ce somptueux “monument” flottant dédié à l’Art Déco.

Le Havre, 29 mai 1935, le Normandie appareille pour son premier voyage. L’événement est considérable, car ce nouveau navire incarne tout le génie technique des ingénieurs et l’apogée de l’Art décoratif français. De nombreuses célébrités de l’époque sont à bord. Les plus grands reporters sont chargés de donner dans la presse, leurs impressions personnelles de cette première traversée. Ainsi Blaise Cendrars raconte chaque jour sa vision de l’énorme salle des machines de ce navire à propulsion turboélectrique, qu’il compare à un “troupeau d’éléphants à genoux…”.

Non loin de là, la grande Colette décrit avec finesse le pont désert, au petit matin… et les magnifiques décorations du grand salon. Il s’étendait sur 700 m2. Une perspective unique de 110 mètres de long, permettait de traverser en enfilade la chapelle, la salle à manger – de 1 000 m2 – et le grand hall. Au pont supérieur, le panorama de la mer entrait, à travers de vastes baies, du théâtre à l’immense restaurant. Pour la première fois, une riche clientèle cosmopolite peut profiter d’une salle de spectacle.

Décor en laque, acier, cristal, verre gravé, marbre, bois exotiques… l’architecture intérieure, signée par les plus grands artistes de l’époque et les matériaux précieux utilisés, n’ont pas d’équivalent. Les douze piliers en cristal, les trente-huit colonnes lumineuses et les deux chandeliers monumentaux de la salle à manger des 1ères classes sont signés René Lalique. D’autres panneaux de verre sont réalisés par la célèbre maison Daum. Chaque cabine passager était unique par sa décoration, dans le pur style des années 30.

Dès son voyage inaugural, Normandie décroche le prestigieux ruban bleu, dans les deux sens, en quatre jours, deux heures et douze minutes. Un record que Normandie et son rival, le Queen Mary, ne cesseront de se disputer jusqu’en 1938. Cette même année, la liaison entre New York et Rio de Janeiro vient s’ajouter au traditionnel : Le Havre-New York. C’est un succès !

Le 28 août 1939, alors que la guerre se prépare à ravager une nouvelle fois l’Europe, Normandie termine sa 139e traversée dans le port de New York. Son retour vers l’Europe est annulé pour cause de déclaration de guerre. L’ensemble du personnel est rapatrié, Normandie est désarmé et laissé sous la surveillance d’un équipage réduit, dans l’attente de sa reconversion en transport de troupes.

Le 9 février 1942, à bord de Normandie, battant pavillon américain et rebaptisé Lafayette, un ouvrier occupé à découper au chalumeau les supports métalliques du grand salon des premières classes, met accidentellement le feu à des gilets de sauvetages entreposés à proximité. Incapables de maîtriser l’incendie, les pompiers, aidés de bateaux-pompes du port de New York déversent des tonnes d’eau sur les superstructures du navire. Déséquilibré, Normandie chavire au cours de la nuit suivante. L’épave, redressée quelques mois plus tard, est remorquée en novembre 1943 vers un chantier de Brooklyn. Mais sa remise en état est jugée trop onéreuse. Normandie, est condamné à la démolition, qui s’achèvera en 1947.

Ce “géant” magnifique – sans doute le plus beau de l’histoire – eut hélas, une carrière trop brève, quatre ans seulement. Mais il est entré à jamais dans la légende des grands paquebots transatlantiques.

Le saviez-vous ?
Heureusement, la plupart des somptueux éléments composant son architecture intérieure, mais aussi les meubles, vaisselle, tapis, etc., avaient été soigneusement stockés dans un garde-meuble, en attendant la fin de la guerre. C’est ainsi que des milliers d’objets, de toutes natures, ont pu être sauvés de la destruction et ensuite vendus aux enchères à des collectionneurs, amateurs d’art et d’histoire maritime.